mercredi 16 juin 2010

PORTRAIT DE FRANCOIS

Je viens de faire la connaissance de François un type épatant, jugez par vous même.

Non-voyant depuis l'âge de 13 ans et caressant depuis lors le projet de maîtriser un jour l'image, je travaille à la concrétisation de ce doux rêve d'Icare à travers la création, à court terme, de mon activité d'auteur photographe professionnel.

Mon aventure n'a pourtant commencé qu'il y a environ 4 ans alors que Cathy, ma compagne, me demandait de la prendre en photo...
Afin que je la situe dans l'espace, elle frappa dans ses mains et la prise de vue fut réussie. Malgré cette première approche positive et une envie sous-jacente, il me fallut plusieurs mois de réflexion avant que je n'ose m'exprimer, pensant qu'un photographe aveugle serait plutôt ridicule qu'original.
A ce terme, ayant apprivoisé l'idée même de ce sublime paradoxe, je décidai, pour faire taire les clichés liés à mon handicap, de prouver que ma cécité, loin d'être une barrière à l'expression artistique visuelle, allait me permettre de matérialiser la vue de mon esprit... Et ainsi, d'appréhender la photographie d'un "autre oeil".

Alors que je n'étais qu'un enfant la nature me transportait déjà à tel point que je rêvais d'être garde forestier pour pouvoir "contempler les arbres toute la journée"...
Aujourd'hui, la forêt et l'eau en milieu naturel, mes sources d'inspirations principales, éveillent toujours autant mes sens. Toucher le tronc d'un arbre, entendre le bruit du vent dans les branches et celui de l'eau qui coule, ressentir, au détour d'un sentier, la fraîcheur d'une cascade, humer la résine et autres senteurs qu'un sous-bois peut offrir, sont autant de moments que je cherche à capturer.
Bien que cette approche sensorielle guide mon objectif, j'ai besoin du soleil pour stimuler ma créativité et ainsi restituer sur mes clichés, à travers la sous et la surexposition, la dualité nuit / lumière qui résume l'infime perception visuelle qui me reste.

Côté technique
Je réalise mes clichés avec deux appareils photos numériques réflexes exclusivement en mode manuel... De cette manière, comme le post-traitement m'est inaccessible, je m'efforce de retransmettre, via les réglages (appris par coeur et maîtrisés), directement sur la photo l'émotion ressentie.
La détermination du cadrage dépend de plusieurs facteurs, selon que je sois seul ou accompagné et que je connaisse ou non le lieu choisi. Chaque situation peut également induire une approche différente en fonction de l'identification du sujet par son parfum, par le bruit (de l'eau qui coule, par exemple), mais aussi par le toucher, qu'il soit de mon fait ou qu'il résulte d'une rencontre brutale entre mes pieds et un enchevêtrement de racines ou de branches... Par ailleurs, la localisation d'une source lumineuse se fait grâce à l'infime perception de la lumière qu'il me reste à un oeil, à la chaleur d'un rayon de soleil sur mon visage et surtout à l'aide d'un appareil qui me transforme l'intensité lumineuse en un signal sonore qui va du grave pour le sombre au très aigu pour une lumière vive.
Mais de plus en plus, je demande à ma compagne soit de me décrire le plus objectivement possible l'impalpable tel que les paysages, les coucher de soleil, les constructions, ... soit, pour être en complète adéquation avec mon imaginaire, rien de moins que de me trouver, tout ou partie, la scène que j'ai envie de photographier...
Ensuite, j'appuie l'appareil photo sur ma bouche ou sur ma poitrine pour que celui-ci soit toujours dans un bon alignement et quant à l'horizontalité je l'assure en plaquant un niveau à bulle sonore sous l'appareil. Puis je fais plusieurs prises en me décalant un peu à gauche et à droite.
En finalité, de retour à la maison, Cathy me décrit chaque cliché et je ne retiens que ceux qui correspondent le mieux à la représentation mentale que je me suis faite sur le terrain.
Pour l'anecdote, il arrive que certaines photos soit éliminée, parce qu'elles ne sont pas le reflet de mon imagination, alors que mon amie trouvait la composition intéressante.

D'un point de vue plus global ma véritable victoire sur le handicap réside principalement dans la multiplication et la richesse des rencontres générées par mon originalité où l'intérêt que je suscite est bienveillant, mais non complaisant...

Pour terminer, je tiens à préciser que je ne conçois pas ma futur activité d'auteur photographe professionnel sans y inclure la notion d'échange et de partage, qui poura également se concrétiser à travers des ateliers de sensibilisation et / ou d'initiation à la pratique de "la photo en aveugle". Ateliers qui, bien évidemment, ne seront pas réservés qu'aux handicapés visuels, mais permettront, d'une manière ludique, aux inconditionnels de saint Thomas de découvrir "la vue de l'esprit" à travers une approche sensorielle du visuel.

Mais concrètement, afin que mon projet puisse voir le jour à court terme, je recherche des parrains, des partenaires, des sponsors et/ou des clients.

Vous pouvez le retrouver sur facebook, il a une page de fans François Montenot photographe aveugle.

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